LA NEWSLETTER DU SAMA D’AVRIL 2020

COronaVIrusDisease(20)19. Que dire à ce jour ?
 Edito du Président 

Cher(e)s camarades,

Tout d’abord je formule des vœux pour que vous réchappiez, ainsi que vos proches, à cette épidémie de COronaVIrusDisease(20)19. Deuxième virus de l’espèce susceptible de provoquer des Syndromes Respiratoires Aigus Sévères SARS – CoV – 2.

J’aurais aimé vous revoir tous à l’AG du SAMA le 10 juin à Paris. A cette date le dé confinement « subtil » devrait être en cours mais je crains fort que les regroupements, surtout dans la capitale seront encore proscrits.

Pierre Saliou dont vous avez peut-être vu les interventions à la télévision a bien voulu nous donner ses commentaires éclairés sur cette pandémie et je le remercie vivement.

Au cours de ma carrière, sous différentes casquettes – d’aviateur, de compagnie aérienne, de conseil à l’industrie – j’ai été confronté à plusieurs crises sanitaires, SRAS 2003, Ebola 2014, MERS CoV 2019 et aujourd’hui le COVID-19.

A chaque fois c’est la panique chez les opérateurs aériens qui réclament d’urgence le désinfectant qui va bien pour traiter leurs avions. « Ce désinfectant est bien actif sur le COVID-19 ? Vous l’avez fait tester sur ce virus ? » Il faut alors expliquer que les laboratoires P3 qui ont la souche ont d’autres priorités comme celles d’étudier le génome du virus, de tester des médicaments ou des vaccins. Les tests d’efficacité des désinfectants ont été faits sur des souches plus anciennes de coronavirus dont la 229E qui provoque des rhinopharyngites hivernales chez l’homme depuis les années 60. Il ne faut donc pas être dupe d’arguments marketing comme « testé sur le coronavirus « , mais pour autant, le nouveau virus a comme ses cousins une enveloppe lipophile qui le rend sensible à la plupart des désinfectants dont ceux à base d’ammoniums quaternaires à concentration modérée. Bien sûr il s’agit de tests normés effectués en laboratoire, en conditions différentes de celles qui peuvent être rencontrées en réalité notamment pour ce qui concerne les souillures (sérum albumine et érythrocytes de mouton pour la norme), cependant un coefficient de sécurité est appliqué pour les concentrations en produits actifs. Il existe des guides qui présentent différents germes dans un ordre décroissant de résistance aux désinfectants. Ainsi un produit actif sur le H1N1 est réputé actif sur le corona.

Trop souvent, intuitivement, on peut penser que plus un virus est contagieux et agressif, plus il serait résistant à la désinfection. C’est loin d’être toujours objectivement vrai. Ainsi, le redoutable Ebola est relativement fragile. Lors de l’épidémie de 2014, pour que les équipages et même les équipes médicales acceptent d’aller en Guinée, il a fallu les assurer qu’ils seraient rapatriés dans leur pays d’origine s’ils venaient à contracter la maladie. Le problème principal fût le confinement et les caissons de transport. Dans l’armée de l’air française nous avions bien en stock quelques caissons NRBC mais ils n’avaient pas été sortis depuis longtemps et l’on s’est aperçu qu’ils n’étaient plus très étanches ! La quinzaine de malades évacués sur longue distance l’ont été avec des moyens essentiellement américains.

Pour la désinfection c’est l’eau chlorée qui a été utilisée en Afrique ; pas bon pour l’environnement ! Dans les structures hospitalières occidentales on avait pris, sans doute à juste titre, l’habitude d’utiliser les peroxydes et notamment l’acide péracétique auquel pas un germe ne résiste. Sauf que les cabines d’avion ne supportent pas les lavages à grande eau et surtout les agents corrosifs ! Pour être utilisé en aéronautique un produit doit être validé par Airbus et Boeing. De plus il doit être ininflammable, ce qui limite fortement l’emploi des alcools.

C’est compliqué mais on y arrive. Par exemple une association ammonium Q et aldéhyde pour les mycobactéries et spores qui sont particulièrement résistantes. A cette époque nous avions à transporter des tuberculoses ouvertes depuis Guantanamo (bagne américain à Cuba) et faire face à la psychose de la « poudre blanche » synonyme d’Anthrax !

Avec un industriel du traitement de l’avion qui avait un partenariat public/privé avec l’Université, nous avions pour objectif de proposer pour chaque cas un désinfectant adapté et utilisable en cabine d’avion. C’est alors que j’ai réalisé, au contact des virologues de VirPath Lyon, la complexité technique de la réalisation des tests d’efficacité. Ils sont même parfois impossibles, par exemple pour le virus de l’hépatite A. Il faut alors tester sur un petit virus nu légèrement plus résistant : un poliovirus. Si le produit est efficace sur ce dernier il sera réputé efficace sur celui de l’hépatite.

Après ces souvenirs personnels et considérations un peu techniques, je voudrais maintenant assurer de tout notre soutien nos camarades d’active et de réserve du SSA, aussi les volontaires qui se sont proposés de les aider. Ils sont fortement mobilisés dans les hôpitaux militaires d’infrastructure en métropole et dans les outremers ainsi que dans l’élément militaire de réanimation EMR mobile monté à Mulhouse. Sans oublier tous les personnels chargés des évacuations sanitaires par voie terrestre, aérienne ou maritime. Le SSA, seulement 1% des effectifs sanitaires du pays, démontre qu’il reste indispensable en situation de crise.

Enfin je n’oublie pas que d’autres personnels du SSA sont toujours très engagés au Sahel où se déroulent actuellement de nombreuses opérations militaires. Un autre virus, très contagieux et mortel, se répand rapidement au nord Mali près de la frontière nigérienne. Il atteint le cerveau de jeunes adolescents en complète déshérence.

L’apocalypse d’aujourd’hui peut être la chance de demain aurait dit un philosophe.

Bien amicalement.
Dr Gérard DESMARIS