LA NEWSLETTER DU SAMA DE MARS 2020



               
LA PENSION MILITAIRE, UNE SPÉCIFICITÉ ?
 Edito du Président 

Cher(e)s camarades,

Le projet de réforme des retraites suscite toujours beaucoup d’inquiétude. Chaque jour apporte son lot de déclarations, de vraies ou fausses nouvelles ajoutant à la confusion.

Une certitude, aucun de nos adhérents ne sera impacté. Si j’osais, je dirais avec provocation « malheureusement ». En effet notre syndicat ne se renouvelle plus et depuis trop longtemps. Il n’empêche, le SAMA, par solidarité intergénérationnelle continue à se saisir du sujet des retraites. Il faut saluer la persévérance de notre président d’honneur Bernard Lefèbvre qui a participé jusqu’à ce jour aux débats du CPRM et au conseil d’administration de la CNMSS en tant que membre de la commission du CSMF.

Ce mois-ci nous allons nous intéresser  à nos jeunes camarades militaires.

Dans ses vœux aux armées, le Président de la république a insisté : « Quand on est militaire, on ne touche pas la retraite, on a une pension, c’est différent. »

C’est historiquement exact.

Dès 1670, l’institution de l’Hôtel des Invalides offre un lieu d’accueil aux soldats blessés ou trop âgés. La protection s’élargit, en 1764, avec la création d’une pension de vieillesse pour les militaires.

La Révolution française reprend l’héritage monarchique avec rationalité. Les lois des 22 août et 14 décembre 1790, prévoient l’accès à une pension à compter de l’âge de 50 ans (60 dès 1806) et après 30 ans de service.

La pension des militaires, « irrévocable, incessible et insaisissable », équivaut en principe à cette époque, au quart de la solde, son montant, calé sur les grades, prend en compte les campagnes et les blessures.

Qu’en sera-t-il demain ?

Une association nationale militaire acquiesce : «  il ne s’agit pas d’une retraite mais d’un mécanisme de revenu différé en contrepartie de nos contraintes spécifiques…astreinte permanente, éventualité du sacrifice suprême. »

Elément phare d’attractivité, cette pension est au cœur du modèle de gestion des ressources humaines des Armées. Il a été bâti sur une logique de flux pour s’assurer de disposer en permanence de soldats jeunes. A cet égard, souligne le CSFM dans son avis, l’article 47 du projet de loi ″fragilisera″ ce modèle et gommera la spécificité de la pension militaire telles que définie dans l’article 55 du Code des pensions civiles et militaires.

″Le conseil désapprouve les dispositions restrictives voir le recul significatif dans plusieurs domaines et la persistance d’incertitudes concernant le devenir des pensions militaires: ouverture des droits, réversion, modalités de calcul, cotisations employeurs, pensions minimales garanties, emploi des réservistes, disparition de la pension à jouissance différée…″.

Le coup de grâce suit. ″Le CSFM ne peut, en ce qui concerne la condition militaire, émettre un avis favorable″.

Vous trouverez dans ce numéro le compte rendu « brut » in extenso de la séance du CSFM de décembre 2019 rédigé par le collège des retraités militaires.

Bien amicalement.

Dr Gérard DESMARIS 

103 ème séance du CSFM

La 103 ème session plénière du CSFM, qui s’est déroulée du 16 au 19 décembre 2019, a bien évidemment eu pour thème central la réforme des retraites qui a donné lieu à d’intenses débats sur la tactique à adopter par le conseil. Outre la séance de clôture présidée par la ministre cette session a accueilli quatre intervenants : 

  • l’amiral Casabianca, major général des armées ;
  • le vice-amiral d’escadre Philippe Hello, DRHMD ;
  • le contrôleur des armées Étienne Knapp, chef du projet NPRM (nouvelle politique de rémunération des militaires)
  • le contrôleur général Christian Giner, chef de la cellule THEMIS.

L’amiral Casabianca s’est montré conscient de la difficulté à recruter et fidéliser et considère que la stabilité des armées repose sur leur cohésion dont les principaux éléments sont la finalité opérationnelle et le statut militaire. A cet effet il a mis en parallèle les deux dualités : ingénieur atomicien/militaire et commissaire/militaire. Abordant le sujet de la réforme de l’organisation centrale du ministère (OCM) il a précisé que c’était une réponse à une demande interministérielle et qu’il s’agissait de redonner de la subsidiarité aux états-majors et services. En effet le principe de subsidiarité est aujourd’hui parfois considéré comme une délégation sans contrôle. Par ailleurs l’administration centrale représente 6 000 personnes dont 25 % de célibataires géographiques et il est souhaitable d’avoir moins de gens à Paris pour une vie meilleure. Aussi est envisagée la création de 3 centres en région :

  •  un pôle RH à Tours ;
  • un pôle cyber à Rennes ;
  • un pôle espace à Toulouse.

En matière de réflexion capacitaire le major général  estime qu’il faut intégrer le soutien et donner sens à ses acteurs qu’ils sont toujours terriens, marins ou aviateurs. Le chantier devrait se traduire par une manœuvre infra et RH sur deux ans avec une réinjection de cadres dans les forces.

Sur le sujet de la transformation hospitalière il faut dire que le partenaire du service de santé, l’assistance publique, n’est pas au mieux de sa forme. Les hôpitaux militaires doivent être préservés et ne pas se laisser contaminer.
Par ailleurs il manque 150 médecins dans les centres médicaux des armées.

L’amiral Hello, DRHMD, a annoncé la prochaine parution d’un guide à l’usage des officiers généraux  de la 2ème section (comportement, expression…). En ce qui concerne le chantier OCM il a précisé que 5 000 postes seraient sortis du périmètre de l’administration centrale dont 3 400 pour l’EMA  et 500 fermés au profit des forces. Il souhaite conserver des commissaires et des ingénieurs militaires mais il prend bien soin d’affirmer que le rapport entre les directeurs et l’EMA est du niveau d’un arbitrage entre cabinet de la ministre et EMA : ce n’est plus un sujet de concertation. Pour lui le service de santé est devenu  quasi interministériel. En 2019 il y a eu 1 000 départs de plus que l’année précédente. Pour finir il y aura une simplification des droits du conjoint survivant.

De l’intervention du contrôleur général Giner il faut retenir les chiffres suivants :

  •  95 % des saisies de la cellule THEMIS se font de manière directe ;
  • il y a eu 93 dossiers en 2018 et 140 en 2019 ;
  • suite à un sondage parmi les militaires, 45 % des sondés connaissent la cellule  THEMIS, 39 % vaguement et 16 % pas du tout ; preuve d’une certaine confusion 2 appels sur 3 concernent le harcèlement moral.

Le contrôleur Knapp a continué de présenter le chantier NPRM mais d’une manière un peu trop décousue et éthérée sans trop être conscient de la perception de certains de ses auditeurs puisqu’il s’est pris sans trop comprendre une réaction plutôt vive d’un militaire du rang.

Le contenu de l’avis, traitant à une large majorité de la réforme des retraites  a été très débattu entre les partisans sur la forme d’une ligne modérée et ceux d’une rhétorique beaucoup plus offensive. Il n’a finalement été définitivement arrêté que le jeudi 19 décembre à midi alors que la séance de clôture débutait à 15h30. Voté tout de même à 90 % il affirme entre autres que le discours de la confiance ne tient plus et que la proportion de militaires fondamentalement contre cette réforme devenue illisible ne cesse d’augmenter. Sur le même sujet le conseil a aussi discuté de l’opportunité de demander comme en 2013 la venue du président de la république ce qui a été approuvé à 63 %. Par ailleurs si le fait de poser une question à la ministre sur la transformation hospitalière a été voté à 84 % l’insert d’un encart relatif au devenir du corps des commissaires dans le cadre du chantier OCM n’a lui été approuvé que de justesse à 50 % et 2% d’abstention. Comme cela a déjà été constaté le service du commissariat souffre d’un déficit d’opinions favorables. Comme plusieurs fois depuis l’arrivée de madame Parly  la séance de clôture a commencé par le discours de la ministre ce qui à l’usage ne s’avère pas forcément l’idéal car cela ne lui permet pas de prendre en compte l’avis du conseil. Dans ses propos elle a repris les éléments annoncés en petit comité six jours plutôt à une délégation du conseil et objets de sa lettre du 11 décembre en pièce jointe. Mais elle a aussi et surtout annoncé que le projet de loi sur la réforme des retraites serait dès la première quinzaine de janvier soumis à l’avis du conseil supérieur de la fonction militaire. Sur le simulateur elle a reconnu qu’un travail herculéen était en cours. Durant la lecture de l’avis la ministre s’est montrée particulièrement attentive et concentrée suivant l’allocution au mot près.  A la question sur la venue du chef de l’état devant le conseil elle a répondu avec un certain humour que ce n’était pas une question mais qu’elle prenait note. Sur la transformation hospitalière elle a estimé qu’il s’agissait d’une fuite dans la presse qui n’aurait pas dû avoir lieu et a invité les autorités concernées à compléter la communication car il y aura concertation. Pour le sujet des deux ans de PACS qu’elle a qualifié de question rappel elle a précisé qu’elle n’avait pas oublié et pense qu’une évolution est nécessaire. Intervenant sur la question des retraites le CEMA à une fois de plus ramé à contre-courant en déclarant qu’il fallait surtout anticiper pour absorber la réforme sans qu’il y ait thrombose. Cette attitude a confirmé que, comme le conseil  l’avait déjà constaté auparavant, les chefs d’état-major ne savent pas ou ne veulent pas faire remonter les véritables sentiments de la communauté militaire. Le général Lecointre s’est aussi montré assez maladroit en qualifiant la demande d’un véritable plan blessés de « prédiction auto réalisatrice » en estimant que le parcours actuel fonctionnait bien et qu’il fallait stopper les effets d’annonce. Il faut dire que la secrétaire d’état, madame Darieussecq, avait fait preuve de superficialité et de langue de bois dans sa réponse. En fin de séance la ministre est revenue sur la question des retraites en faisant de façon inopportune l’article politicien sur les éléments positifs d’une réforme dont la première application n’interviendra qu’en 2037. Elle a aussi conclu que pour les militaires pension ne signifie pas retraite. Si la ministre a toujours su conserver sérénité et recul ce n’a pas forcément été le cas de ses grands subordonnés et en particulier de son directeur de cabinet qui a tenté, à l’occasion du buffet post-séance, de discréditer l’avis en instrumentalisant les conditions de sa rédaction et en oubliant tout de même qu’il avait fait l’objet d’un vote à une très large majorité. Lors d’une réunion impromptue et tardive au retour à l’Ecole militaire le conseil a bien entendu exclu tout remaniement de l’avis mais a accepté, compte tenu de la situation politique du pays, une diffusion différée de son avis… En attendant le conseil est convoqué dès le lundi 13 janvier pour une semaine très dense exclusivement consacrée à l’examen du projet de loi sur la réforme des retraites avec au milieu les vœux du président de la république aux armées.

Le collège des retraités militaires du CSFM