LA NEWSLETTER DU SAMA DE JUILLET 2020: COVID ET CHIRURGIE

05/07/2020SAMA COVID ET CHIRURGIE
Edito du Président Cher(e)s camarades,La newsletter de juin était conséquente mais forcément incomplète. Voici donc la contribution de Xavier notre ancien président qui exerce la chirurgie en clinique du secteur privé. Si vous aussi voulez faire part de votre ressenti n’hésitez pas. Vous n’avez peut-être pas toujours le temps ou hésitez à écrire un texte bien léché qui sera lu par tous; c’est pourquoi Bernard Lefebvre propose une communication interactive plus facile et moderne avec une application dédiée sur smartphone. Pourquoi pas, nous allons examiner cela. Aujourd’hui les mesures d’exception sont partiellement levées, en particulier le confinement général depuis le 11 mai en France métropolitaine. L’épidémie semble contrôlée mais le virus continue à circuler pour preuve les presque trois cents clusters identifiés, heureusement sans malades graves. L’hypothèse d’une future « deuxième vague » est cependant toujours activement débattue. L’observation en hémisphère Austral, comme pour la grippe, sera une indication. Malgré des avancées scientifiques rapides et indéniables, ce virus, sur bien des plans comme les facteurs de pathogénicité ou l’épidémiologie, reste encore mystérieux. C’est à l’évidence un virus très dangereux pouvant tuer rapidement un grand nombre de contaminés. Aussi nous ne pouvons qu’approuver les moyens exceptionnels donnés rapidement à la recherche. Cependant il ne faudrait pas oublier les autres grands fléaux de l’humanité déjà connus et pourvoyeurs d’un très grand nombre de décès. Je vous souhaite de bons mois de juillet et août en attendant de se retrouver en forme à la rentrée.
Gérard DESMARIS,
Président du SAMA.

COVID ET CHIRURGIE

12 mars 2020, je suis tout bonnement en vacances depuis une semaine dans le midi chez un ami qui a bien voulu me recueillir mon épouse et moi-même, la station de ski où nous avions prévu d’aller ayant eu le « bon goût » de fermer en 24heures sans préavis.

Problème comment revenir à Paris où le travail m’attend : programme complet, nombreuses consultations… ? En fait, pas de problème, le caducée est un sésame qui pour une fois est très utile face à la vindicte gendarmesque. En deux mois de confinement, on ne m’a demandé qu’une seule fois ma carte de médecin… Efficace.

Retour à Paris, et là, c’est la confusion la plus totale. Appels désespérés de malades :

  • Dr vous allez m’opérer mercredi ?
  • A priori oui, pourquoi ?
  • On a reçu un SMS de la clinique disant que toutes les interventions sont ajournées.
  • Ah bon ! On ne m’a rien dit. Je n’ai pas eu de messages m’informant de cela. Je me renseigne….

Appel à la clinique :

  • la chef de bloc est en télétravail…, elle ne répond pas au téléphone. Envoyez-lui un mail. De toute façon l’ARS a lancé le « plan blanc » et a décidé l’arrêt de tous les programmes opératoires pour transformer les blocs et les salles de réveil en réa COVID
  • Mais, mes interventions sont dans 2 jours !!!!
  • Personne ne sait rien, si vous voulez être sûr, annulez-les. On vous dira quand les reprogrammer. On n’opère plus que dans une seule salle et seulement les urgences vitales.
  • Et pour les consultations ?
  • Ah, vous n’avez pas suivi les échanges sur le forum « what’s app » ?
  • Euh non, je n’étais pas informé, pas destinataire, pourquoi qu’est-ce qui se passe. Eh bien votre bureau n’est plus disponible, il est devenu un sas de détection Covid.
  • Et je vais recevoir mes patients où ?
  • Ça va être compliqué car il ne reste qu’un seul bureau pour les 6 chirurgiens et vos confrères se sont répartis toutes les plages en votre absence.
  • Comment je fais alors ?
  • Annulez !!!

Heureusement, j’ai un cabinet personnel dans Paris où je peux m’organiser comme je veux. Je suis chez moi et ne dépend de personne. Avec ma secrétaire (en télétravail) nous passons plein de coups de fils pour déplacer les rendez-vous. Mais évidemment plusieurs patients confondent les lieux de consultation et se rendent au mauvais endroit…Ambiance.

Le problème des masques vient immédiatement au premier plan. Heureusement j’ai retrouvé la dotation que le Gouvernement nous avait fait envoyer en 2011 : 50 masques dont une vingtaine de FFP2. Un trésor périmé peut-être, mais qu’importe…. J’ai aussi stock de gel que j’avais mis de côté au cas où… Je suis prêt à recevoir mes patients en serrant un peu les fesses. Gare à celui qui tousse. J’espace les rendez-vous pour n’avoir pas plus de deux personnes dans la salle d’attente en même temps. Je donne des masques aux patients qui n’en n’ont pas. Ils semblent partir plus content de ce cadeau que d’être venu en consultation.

Cette période de bouleversement social va voir apparaitre un nouveau concept : la téléconsultation. Prévue par la loi depuis plusieurs années, sa mise en place était restée lettre morte parce que la Sécurité Sociale refusait d’en assurer le remboursement. Et oui les fonctionnaires des administrations ont toujours le dernier mot malgré les bonnes intentions de nos députés. Mais là, devant la panique et la nécessité du confinement, elle se décide enfin, mais évidemment avec une minoration du remboursement de 25%. Y-a pas de petites économies. Doctolib s’est engouffré dans la brèche en nous proposant un nouveau service, certes payant mais tellement commode, ce d’autant que ce prestataire assure la perception des honoraires. Un vrai progrès. Mais finalement, ça n’a pas été le raz de marée auquel on aurait pu s’attendre. Une ou deux demandes par journée de consultation. Finalement ça coûte plus cher que ça ne rapporte, mais, bon, ça permet de garder le contact ce d’autant que j’ai beaucoup de patient qui résident en province et pour eux il n’y plus de train, des gendarmes aux péages des autoroutes… Ils restent chez eux.

Au total l’activité tant de bloc que de consultation s’est effondrée. La plupart de mes confrères spécialistes ont carrément fermé leur cabinet et sont partis se confiner dans leur maison de campagne. Pour ma part j’ai laissé mes consultations ouvertes mais j’ai eu une baisse d’activité de 76% de mi-mars à mi-avril.

Au bloc je n’ai eu presque rien et en bataillant rudement. Au début je ne me suis pas trop méfié, je pensais que ça marchait comme d’habitude, mais quelle erreur !

Ainsi un de mes consultants s’est présenté pour une sciatique paralysante. Il fallait l’opérer rapidement. J’ai appelé la clinique pour le programmer dans les jours qui suivaient. Certes ce n’était pas une urgence vitale, mais son déficit risquait de devenir définitif si on ne faisait rien. J’en ai parlé à un anesthésiste et à la directrice. Tout le monde était d’accord : il fallait l’opérer. Hélas c’était sans compter avec la bêtise humaine : la secrétaire des anesthésistes a éconduit le patient de sa propre initiative en lui disant que le bloc était fermé. Désespéré, le patient est allé se présenter aux urgences d’un hôpital de l’Assistance Publique de Paris. Là, réponse positive sans hésitation :« pas de problème cher monsieur, on va vous opérer demain » !!!. Pourtant l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, centre régional de référence, était censée se concentrer exclusivement sur le COVID.

Branle-bas de combat à la clinique de l’Alma. Comme je vous l’ai dit, l’ensemble du bloc, salle de réveil inclue, est transformé en Réa Covid, tout le 4ème étage en secteur Covid pour les patients ne nécessitant pas de réanimation. Les patients affluent de toute l’Ile de France mais particulièrement des Ehpad du groupe qui déversent ainsi leurs patients très âgés contaminés. Presque tout le monde a prêté main forte à l’équipe des soignants pour les soulager car rapidement apparaissent des signes de fatigue chez ceux qui sont en première ligne : anesthésistes, infirmières, aides-soignantes, brancardiers… Finalement au bout du compte on ne déplorera que deux décès. Pas mal, pas mal pour une équipe peu habituée à soigner des insuffisances respiratoires.

L’annonce du déconfinement tombe. Je pense arriver au bout de mes contrariétés. Eh bien pas du tout car le « PlanBlanc » est maintenu. Plus personne ne sait exactement ce que l’on peut faire ou pas…. Chaque passage au bloc se négocie au cas par cas. Il faut justifier de l’urgence relative à faire l’intervention dont le report pourrait constituer une perte de chance pour le patient… Et voilà le juridisme qui revient par la porte de derrière alors que dans ces circonstances exceptionnelles on aurait pu penser que ce serait secondaire.

Actuellement, même si l’étau se desserre progressivement, le fonctionnement des établissements est encore bridé. Je n’imagine pas les pertes abyssales que vont avoir les cliniques privées. Bon nombre vont faire faillite. Une fois de plus la possibilité de choisir entre Public et Privé va être restreinte.

Que conclure de cette période exceptionnelle, sinon que j’ai noté que c’est bien grâce au « système D », à l’imagination de ceux qui était sur le terrain, « les mains dans le cambouis », que finalement pour l’instant l’épidémie de corona virus n’est pas devenue la « peste noire » du 21ème siècle.

Certes nous avons à déplorer 30 000 décès en moins de 3 mois, mais il faut plutôt porter notre regard sur les milliers de miraculés qui ont été sauvés parce que le système n’a pas sauté, car il n’a finalement de justesse pas été débordé par l’inadéquation entre les moyens disponibles et l’ampleur de l’épidémie. Le système hospitalier français s’estadapté à toute allure. Chapeau !

Maintenant, tournons-nous vers l’avenir. Des épisodes catastrophiques comme celui-ci, nous en connaitrons d’autres.Peut-être pas tout de suite, mais statistiquement, c’est inévitable. Il faut nous y préparer et probablement accepter certains sacrifices sur notre petit confort de tous les jours pour anticiper les moyens humains et matériels pour y faire face.

Dr Xavier Loniewski

Président d’honneur du SAMA

L’ASSEMBLEE GENERALE DU SAMA PREVUE LE SAMEDI 13 JUIN 

EST ANNULÉE ET REPORTEE